Date : 2 novembre de la 1ère année de l’ère Shjiànguó

J’ai mal…
Quand je regarde mon pied, la flèche plantée juste au-dessus de ma cheville, je ne peux m’empêcher de grimacer.
Pourquoi étaient-ils là ? Comment m’ont-ils reconnu aussi facilement ? D’habitude je peux passer dans un village sans être attaqué comme ça et marcher autour sans qu’on me poursuive tout le temps. Mais, depuis que j’ai quitté mon maître il y a plusieurs jours, c’est de pire en pire. Je n’ai pourtant rien fait d’autre que fuir ceux qui voulaient me rattraper. Dire que c’était la première fois depuis longtemps que je voyais cette personne, celle qui m’a aidé à sauver ma vie. Mais il a fallu qu’on vienne nous embêter. Il a fallu qu’on veuille m’attraper. Et maintenant, alors que je n’ai vraiment rien fait de mal, tout le monde m’en veut. Si ça se trouve, c’est à cause de ces personnes habillées en blanc avec le bandeau sur la tête. Ceux qui étaient avec ce Lan quelque chose qui me parle à chaque fois qu’il me voit. D’ailleurs, qu’est-ce qui me dit qu’il n’est pas dans le coup, lui aussi ? Si ça se trouve, il a tout fait pour que je baisse ma garde avant de faire en sorte que je sois poursuivi tout le temps. Maintenant qu’il sait à quoi je ressemble. Je savais qu’il était trop bizarre. Je savais que je ne devais pas le croire. Je savais que j’aurais dû faire plus attention. Je savais que j’aurais dû l’envoyer balader. Ou même l’attaquer ! Oui, cela aurait été mieux ! Je devrais tous les attaquer ! Tous les tuer ! Si je fais ça, plus personne ne voudra me poursuivre. Personne ne m’attrapera. Personne ne me fera de mal.

Comme je ne peux pas marcher correctement et que je sais qu’ils ne me laisseront jamais tranquille, je me suis caché dans une maison qui ne paye pas de mine. En fait, peut-être est-elle déjà sur le point de s’écrouler. Mais quelle importance si tout est sale et que le bois grince ? Tant que personne ne me voit, alors tout va bien. C’est tout ce dont j’ai besoin. Et retirer cette douleur aussi ! Mais dès que je touche la flèche, j’ai extrêmement mal et je ne veux pas risquer de donner ma position en criant. Ce serait débile puisque je ne veux pas qu’on me trouve.

Soudainement, alors que ça fait un moment que je n’entends rien d’anormal et que je me suis un peu détendu, j’entends des grincements. D’abord un long puis des plus discrets, je dirais. La lumière me fait comprendre que quelqu’un a ouvert la porte. Donc le reste c’est cette personne qui est en train de rentrer. Mon regard est rouge sang sous l’effet de ma peur, ma colère, mon inquiétude et ma méfiance. Ma flûte en main, je suis sur le point de jouer un appel strident. Mais je réalise que ce serait aussi alerter les alentours. Que dois-je faire ? Je remarque alors une goule rampant vers moi. Certainement est-elle entrée dans un des trous dans les murs en bois ? Caché dans un coin, derrière un meuble imposant dont le bois pue, je surveille la personne à l’entrée en faisant des signes discrets au zombies à mes côtés. Il est silencieux et répond à chacun de mes gestes, comme si je n’avais besoin d’aucun son pour le manipuler. En vérité, mon état de méfiance et de peur m’aide à manipuler le Yuan Qi sans avoir recours à des sons, mes intentions suffisent amplement. Ainsi, quand j’entends une voix familière m’appeler par mon prénom, la colère portée par mes soupçons est tout ce qu’il faut pour lancer le zombie à l’attaque. Cette créature est faible et peut facilement être maîtrisée, mais je souhaite profiter de cette occasion pour m’en aller. C’était sans compter mes blessures qui, au moindre mouvement, me font souffrir. Une main sur mon flanc sanguinolant, prostré dans mon coin, je gémis en contenant le cri qui aurait dû initialement passer la barrière de mes lèvres. Merde… Maintenant, il est impossible qu’il ne sache pas… Que puis-je faire ? Que va-t-on me faire ? Ne puis-je vraiment pas fuir ?

Date : 2 novembre de la 1ère année de l’ère Shjiànguó

Alors que je cherche à me lever sans y arriver, j’entends de la musique. Une autre personne qui peut contrôler les cadavres ? Non. La goule n’est pas revenue vers moi, même pour m’attaquer. Et je ne l’entends plus vraiment non plus. Tuée ? Non plus. Il me semble sentir le fin lien qui me lie à elle. Arrêtée dans son élan alors… Mais quelle est donc cette musique ? Que dois-je comprendre ? Je n’en suis que plus anxieux. Qui est là ? Qu’a-t-il fait ? Pourquoi ? Que me veut-il ? Est-ce vraiment cette personne a qui je parlais il y a quelque temps ? Puis-je lui faire confiance ? Non !! Et je n’arrive même pas à bouger pour fuir ! Comment pourrais-je me calmer ou faire confiance à qui que ce soit ?! Comment pourrais-je accorder ma confiance alors que je doute des intentions de cette personne ?! De tout le monde !!

Mon regard s’ouvre sur la personne que je soupçonne de m’avoir trahi lors de notre dernière rencontre. Je le regarde avec méfiance et une légère véhémence alors que je continue de plaquer mon corps autant que possible dans le coin qui fut jusque-là une bonne cachette. Il a beau ne pas bouger pour le moment, je ne peux pas croire que ce ne soit pas à cause de la peur que je lui inspire. Impossible ! Je veux bien ne pas être intelligent, mais je ne suis pas totalement débile non plus ! Je l’observe. Je guette le moindre geste de travers. Lorsque je sursaute discrètement, notamment quand il bouge son instrument, je sens un blocage au niveau du lien qui me lie à la ghoule, ce qui l’empêche de bouger en réponse à mes émotions. Et lui qui parle comme avant… Ca ne prend plus !! Dégage !! Je ne veux plus t’entendre !!



Tels sont les mots qui sortent de ma bouche. Froids. Empoisonnés. Tranchants comme une épée. Il ne peut pas me dire la vérité. C’est impossible !



J’aimerais me cacher sous ma capuche, mais je ne peux pas le quitter du regard. Si je le fais, alors je ne pourrais plus me protéger s’il m’attaque. Mais que puis-je faire si ce n’est appeler d’autres cadavres à mon aide ? Si j’appelle maintenant, alors peut-être pourrais-je avoir la chance de les voir arriver quand je serais en danger. Mais si je le fais, j’ai peur qu’il ne m’attaque maintenant. Et si je le fais quand il va m’attaquer, ce sera trop tard. Que puis-je faire… ? Maître...

Date : 2 novembre de la 1ère année de l’ère Shjiànguó

Il ne peut pas dire la vérité. Ce n’est pas possible. S’il disait vrai, alors ses amis ne m'attaqueraient pas. Et pourquoi ne le ferait-il pas ? Encore une fois, je ne comprends absolument rien à ce qu’il a derrière la tête. Et c’est encore pire après que je lui ai dit combien je ne le crois pas.

Il ne bouge pas avant d’entrer. Mais il ne vient pas vers moi. Non, il va tout à l’opposé. Et, encore plus bizarre, comme si ce n’était pas assez, il pose son instrument de musique et son épée. Il n’a aucune autre arme ? Pas de couteau ? Ou autre chose ? Il ne pose que ça avant de retourner à la porte. Il ne vient pas du tout vers moi. Comment est-ce que je pourrais comprendre ce qu’il veut ?! Je ne comprends rien…

J’ai vraiment peur quand je ne comprends pas et, là, je ne supporte pas cette peur. Être comme ça… j’ai l’impression d’être redevenu comme avant et ça me met en colère. Ma main se serre sur ma blessure au flanc. La douleur me rappelle alors que je peux encore utiliser ma colère et mon ressentiment pour me défendre. Oui, je peux le faire comme quand j’ai tué tous ceux du village. Je n’ai pas à avoir peur. J’ai encore de la force !

Mais il ne m’attaque pas. Il ne vient pas vers moi. En fait, il n’a même pas une position qui pourrait lui donner la possibilité de se défendre. Il ne peut pas voir ce qui vient autour de lui. Il ne me regarde même pas. Et ses bras n’ont pas beaucoup de place pour bouger non plus. Je pourrais le tuer facilement si j’en avais envie. Alors, je ne bouge pas et n’appelle rien. Je le regarde faire et écoute ce qu’il me dit, tout simplement.

Qui m’a remercié avant lui ? Qui m’a demandé un jour pardon ? Qui m’a parlé de cette manière à part mon maître ? Personne. Personne ne voudrait me dire ça ! Alors pourquoi il me dit ça après s’être désarmé et en se mettant dans une position de faiblesse ? C’est du grand n’importe quoi ? Je ne le comprends pas. Mais, d’un autre côté, ça remue quelque chose dans ma poitrine. Je sens aussi mes yeux qui me brûlent. Alors je lâche ma blessure pour prendre ma capuche dans mes deux mains et cacher mon visage. Je plie aussi un peu plus mes jambes pour qu’elles soient toutes proches de moi. Et, alors que j’essaie de comprendre, je sens du mouillé sur mes joues. Bon sang ! Je le savais ! Je savais que ça allait faire ça ! Je serre les dents en espérant qu’il ne le voit pas même si mes larmes chaudes vont jusqu’à mon menton. C’est une faiblesse que je n’arrive jamais à faire partir. C’est chiant !



Ma voix est toute petite et elle tremble beaucoup. J’aurais aimé qu’elle soit plus forte pour lui montrer que je vais bien même s’il est là. Mais je n’y suis pas arrivé. Je suis vraiment trop nul ! C’est trop injuste…
Et maintenant, que puis-je faire ? Et lui, que va-t-il faire ?

Date : 2 novembre de la 1ère année de l’ère Shjiànguó

J’entends le garçon me parler. Il me dit qu’il sait qu’il est bizarre et ça me rappelle quelque chose. Ça me rappelle que je le lui ai déjà dit. Mais quand ? A quel moment lui ai-je dit ces mots ? Je ne m’en rappelle plus très bien. Je ne veux pas non plus me rappeler parce que j’ai trop peur de vouloir que ces moments soient vrais alors qu’ils ne le sont peut-être pas. Je ne veux pas espérer pour finalement me faire à nouveau avoir. Je n’aime pas du tout ça… Alors, je ne bouge pas. Juste mes mains pour les passer sur mon visage. Ça sent le sang. Et mon visage est toujours mouillé. Mais comme je ne peux pas voir, je crois que c’est parce que l’eau de mes larmes est juste étalée sans sécher. Est-ce qu’il va s’en rendre compte ? Normalement ça ne se voit pas facilement. C’est ce que je crois. Alors, j’arrête et je regarde un peu le garçon bizarre qui me parle encore.

Il me dit encore qu’il veut me soigner. Il ne bouge pas. Il est assis et je peux facilement voir ses mains qui sont posées sur ses genoux. Il me regarde comme s’il avait peur. Je le regarde longtemps avec mes yeux rouges avant que je hoche lentement, prudemment, la tête. Maintenant, je ne le lâche plus du regard. J’observe le moindre de ses gestes et écoute tous les bruits qui me parviennent. Je ne veux pas être pris par surprise. Je suis prêt à siffler pour me défendre, même si c’est sûr que j’aurais mal avant que des cadavres viennent m’aider. J’ai ma flûte, mais ce serait plus long. Et je ne possède aucune autre arme. J’ai tellement l’impression d’être de retour chez mes parents que la peur et la méfiance se font une place encore plus forte dans mon cœur, rougissant un peu plus mes yeux. Pourtant, je ne bouge pas. Pas vraiment en tout cas. Mais je tremble. En même temps il fait si froid… Et parfois j’ai l’impression d’avoir chaud. Je me sens mal et je n’aime pas me sentir comme ça…

Date : 2 novembre de la 1ère année de l’ère Shjiànguó

Je n’ai pas arrêté de le regarder faire. Je l’écoutais aussi toujours parler. Je veux savoir quand il commence à vouloir me faire du mal. J’ai vraiment peur, même si j’accepte de le laisser faire. Il me laisse voir ses mains quand il est à côté de moi. Il ne fait pas de bruit avec ce qu’il porte dans ses bras. Il me regarde sans que je ne remarque la moindre trace de peur dans ses yeux. Il ne crie pas et ne s’énerve pas. Il ne me reproche pas de ne pas parler ou de ne pas avoir fait les choses correctement. Même quand je me suis essuyé le visage en tenant son mouchoir avec mes deux mains sans sortir de mon coin, en le regardant fixement, il n'a rien dit. Je n’ai pas besoin de lui demander pour qu’il me parle des herbes qu’il met dans la théière, comme s’il lisait dans mes pensées. Finalement, le seul moment où j’ai eu vraiment peur, c’est quand il est sorti de la maison, même si ses armes étaient encore dans la même pièce que moi. Il aurait pu chercher les mercenaires ou appeler des gardes pour qu’on m’attrape. Qui sait ce qu’on aurait pu me faire si c’était le cas. Ou alors, il aurait pu appeler des villageois ou d’autres garçons habillés comme lui pour me faire du mal. Pourtant, quand il est revenu, il était seul avec de l’eau comme il avait dit qu’il allait le faire. Il n’a pas menti. Alors, petit à petit, je commence à me dire qu’il ne me ment jamais. J’ai encore peur de me tromper, mais comme il ne fait jamais rien pour me faire mal et qu’il fait toujours ce qu’il me dit qu’il veut faire, alors ce n’est pas facile de penser qu’il ment.

J’ai écouté quand il m’a dit ce qu’étaient les herbes qu’il m’a montré et, maintenant, il verse de l’eau dessus, dans la théière dans laquelle il les a préalablement posées. Je regarde chacun de ses gestes encore, même si je me sens déjà un peu plus calme. Je n’ose plus bouger mon pied ou essayer de retirer la flèche par moi-même. A chaque fois que je tente à nouveau, une vive douleur me traverse la jambe, manquant de me faire crier. Sauf que je ne dois pas faire de bruit si je ne veux pas qu’on me trouve. Du coup, je me demande comment il va y parvenir. Est-ce que les herbes qui enlèvent la douleur vont vraiment tout enlever ?

Je n’ai pas osé montrer mon autre blessure. Tout comme lorsqu’il m’a demandé si je suis blessé autre part, je cache mon flanc droit avec mon manteau. Elle me fait mal aussi, mais beaucoup moins. C’est juste une coupure. Elle saigne juste plus que les autres d’habitude, mais ça guérira tout seul, j’en suis certain. Alors je n’ai pas besoin de lui montrer. J’en suis totalement persuadé. Pourquoi ce serait autrement aujourd’hui ?
Maintenant que l’eau est mise, je ne sais pas pourquoi il ne boit pas. Alors j’attends et je regarde sans parler. C’est lui qui me pose une question en premier. Je ne comprends pas vraiment ce qu’il veut dire par là. En fait, il y a beaucoup trop de choses à raconter quand il me demande ce qu’il s’est passé. Mais… est-il curieux de la façon dont j’ai été blessé ? Ou la raison ? Les deux ? Autre chose ? Je n’ose pas demander. Quand je mets trop de temps pour répondre à ce genre de questions ou quand je pose une autre question à la place, je me fais toujours taper. Je ne veux pas qu’il le fasse, alors il faut que je réponde. Je réfléchis rapidement pour trouver une réponse, mais je finis par avoir encore des larmes en plus des tâches de sang que je n’ai pas réussi à enlever sur mes joues. Je me cache encore dans ma capuche en regardant toujours les mains du garçon bizarre en disant :



Ce que je dis est vrai. D’ailleurs, je n’ai pas attaqué ceux qui ont tiré des flèches sur moi… Devrais-je le faire ? Ce ne serait que justice ! Mais pas maintenant. Si je le fais tout de suite, le garçon bizarre le saura. Qui sait ce qu’il me fera quand il saura ce que je veux faire, ou s’il croit que je veux lui faire du mal. Je ne veux pas prendre de risque alors que je ne suis pas encore en sécurité.
Sous l’influence de cette série de pensées, mes yeux reprennent l’éclat rouge qui avait commencé à décliner à mesure que ma méfiance envers ce garçon est retombée tandis que mon expression se fait plus dure malgré les larmes qui coulent toujours sur mes joues.

Date : 2 novembre de la 1ère année de l’ère Shjiànguó

Je n’aime pas tout ça… Je ne veux pas parler de ça. Et si je les tuais ? Oui, si je le fais, ils ne viendront plus m’embêter et personne ne voudra me voir. Et mon maître ? Non, il n’est pas comme les autres. Mon maître est gentil. Mon maître m’a aidé. Alors mon maître ne me fera jamais de mal, comme la dernière fois que nous nous sommes vus. J’en suis sûr ! Mais lui qui est à côté de moi ? Ce garçon bizarre ? Qu’est-ce qu’il va faire ? Pourquoi veut-il savoir si j’ai tué ces gens ? Si je tue, il me fera du mal lui aussi ? C’est sûr ! Parce que même s’il est bizarre, il est aussi beaucoup comme les autres. C’est pour ça que je ne peux pas le croire tout le temps.

Je le regarde, le surveille, même si c’est difficile à cause de l’eau dans mes yeux. Il n’a pas l’air content, mais il enlève cette expression assez vite pour dire qu’il me croit. Alors sa colère n’était pas contre moi ? C’est bizarre, mais j’ai peur que si je viens à dire quelque chose qui ne va pas dans son sens il essaie de me taper. Parce que tout le monde tape ceux qui ne disent pas comme eux. C’est toujours comme ça ! Cela ne changera jamais malgré le temps qui passe ou même si je change d’endroit.

Je regarde tout ce qu’il fait après lui avoir montré qu’il peut regarder l’infusion. Après tout, il la fait pour moi, non ? Je ne sais toujours pas si c’est vraiment pour enlever la douleur ou pas. Je vais voir. Il a dit qu’il boirait avec moi. Alors j’attends en regardant tout ce qu’il fait devant mes yeux en utilisant ses mains qui sont toujours sur ses genoux quand il me parle. Puis, quand j’ai un bol entre mes deux mains, je le vois qui boit avant moi et me montre l’intérieur du bol autant après qu'avant. Il a vraiment bu. Je grimace un peu. Je n’aime pas trop l’odeur. En plus c’est pas chaud. Je bois quand même une gorgée avant de tousser sans recracher. Je m’essuie la bouche avec ma manche en me plaignant, les larmes à nouveau aux yeux :



Je n’aime pas quand le goût est comme ça. Je n’aime pas ça du tout ! Comment a-t-il fait pour boire ? Il aime quand le goût est comme ça ? Est-ce que je dois tout boire pour que la douleur s’en aille ? Mon regard va du bol au garçon bizarre et vice-versa sans trop savoir, ma grimace déformant toujours mes traits. Ça me rappelle un peu quelque chose, mais c’est trop loin, comme enfermé dans de la brume. Mais je sais que je n’aimais pas même à ce moment-là.

Après beaucoup de réflexion, après beaucoup de temps, je bois en continuant de grimacer parce que le garçon s’est excusé de ne pas avoir de sucre pour moi. Ce n’est pas comme quand on s’excusait en me tapant. C’est différent avec lui. Vraiment différent. Mais je n’aime quand même pas le goût ! Je pose alors le bol avant de demander avec un peu de tension dans la voix et beaucoup dans les muscles :



Il a dit que c’est pour enlever la douleur alors il doit savoir, je crois. Je crois que si j’ai bu, c’est surtout parce que je ne veux plus avoir mal. Et aussi parce qu’il m’a demandé vraiment pardon. Mais parce que je ne veux plus avoir mal !

Date : 2 novembre de la 1ère année de l’ère Shjiànguó

Je ne sais pas si je peux te croire ou pas. Comme avant tu m’as dit que tu ne voulais pas me capturer, mais que les autres habillés comme toi m’ont poursuivi, je ne sais pas si c’est vrai ou non. Te rends-tu compte de ce que je peux ressentir après ça ? Peut-être. Quand je vois maintenant que tu fais très attention et que tu baisses la tête devant moi, je me dis que c’est possible que tu aies une idée de ce que je ressens. Pourtant, moi, je n’arrive pas à savoir ce que tu penses ou ressens. Est-ce normal parce que tu es vraiment étrange ? Je ne pense pas que mon maître ait dit quelque chose à ce propos quand je lui ai parlé de toi. … A part pour me proposer de t’arrêter. Mais ai-je envie de que tu arrêtes. Je ne sais vraiment pas. Parce que tu ne me fais pas mal. Tu ne me fais rien sans que je te dise si je veux ou pas. Mais même ça est extrêmement bizarre. Si je te pose des questions, répondrais-tu ? Me dirais-tu la vérité ? Je vais essayer avec la boisson que j’ai bu et qui n’est vraiment pas bonne. J’espère juste comprendre ce que tu vas me dire…

Je te regarde sans comprendre. C’est quoi les minutes ? Et ce mot juste avant… Ça ne veut absolument rien dire !! Essaies-tu encore de me tromper ? Je te fixe pour chercher un geste ou un regard qui puisse montrer ce que tu penses. Surtout que tu n’as pas répondu tout de suite. Les menteurs réfléchissent aussi avant de dire quelque chose quand ils ne sont pas bons. Mais après tu me parles de mélodies. Je sais ce que sais, et je comprends que tu me dis un chiffre aussi, mais je ne sais pas ce qu’il représente. Essaies-tu encore de me perdre ? Je boude en regardant une partie du mur devant moi. J’en ai marre de me sentir complètement largué quand c’est comme ça. Pourtant, j’aimerais vraiment savoir. Franchement, tu n’as pas un autre moyen de m’expliquer tout ça ? Je n’arrive pas à ne plus te bouder parce que je bloque sur ce problème. J’arrête alors seulement quand j’entends le nom de mon héros, celui qui m’a permis de survivre grâce à son invention. Je te regarde alors, sans vraiment comprendre pourquoi tu me parles soudainement de lui. Est-ce que tu veux revenir sur ce que tu disais ? Est-ce que tu vas me mentir pour me faire baisser ma garde ?

Attentif autant à tes gestes que tes mots, je ne sais pas comment réagir à ce que tu m’expliques. Tu parles de jouer quelque chose qui porte un nom. J’ai deux idées qui me viennent alors : une extrêmement déplaisante qui pourrait me donner envie de te tuer sur le champ, et que ce nom appartient en réalité à une musique. J’ai cru entendre dire que certaines en avaient, même si je n’en ai jamais donné aux miennes. Je n’ai pas trouvé ça très utile. Et je ne connais pas celui de la musique que j’ai travaillé de temps en temps après l’avoir écouté une fois. Comme tu me dis que quelqu’un te l’a apprise quand tu étais petit, puis-je croire que c’est de la musique ? Est-ce que j’ai raison ? Je veux avoir raison, surtout quand tu me proposes de jouer ensemble. Sérieusement, je n’ai pas vraiment envie de te tuer, alors donnes-moi raison, d’accord ?

Comme tu ne dis rien de plus, je te regarde sans bouger. Toi non plus, tu ne bouges pas. J’hésite avant de me remettre à bouder et te dire d’une petite voix renfrognée :



J’attends un peu, mais j’ai peur que tu me perdes un peu plus en me posant des questions ou en parlant à nouveau. Alors je ne te laisse pas faire pour dire en prenant ma flûte :



Je réfléchis encore avant de réaliser que tu n’as rien sur toi pour jouer de la musique. A moins que tu comptes siffler pour jouer ? J’en doute. C’est très difficile quand on y pense. Alors… Je préfère te demander avec une pointe d’inquiétude :



Je te regarde en attendant, cette fois, ta réponse en espérant vraiment que tu ne feras rien que je n’aimerais pas. Et ne pense même pas à me demander ma flûte ! J’en ai besoin si jamais tu veux me blesser, parce que je ne sais pas si j’arriverais à siffler du premier coup, et, en plus, c’est un précieux cadeau de mon maître. Je ne veux pas donner quelque chose d’aussi précieux. Pas même prêter ! Alors ne me demande même pas !

Date : 2 novembre de la 1ère année de l’ère Shjiànguó

Je me demande encore, comme toujours depuis que nous nous sommes rencontrés, à quoi tu peux bien penser. Je dois avouer que ça m’énerve de ne pas pouvoir le deviner contrairement à ce que je peux faire avec les autres habituellement. Par exemple, je peux savoir quand on me voit comme un sale gamin, ou quand je dérange. Je peux même, avec certaines personnes, deviner ce qui va m’être dit. Bon, ça dépend parfois de la situation aussi, mais je m’en fiche. Avec toi, il reste que je ne peux rien faire de tout ça. Même quand tu sursautes, je ne l’ai pas prévu. Ou quand tu me souri. D’ailleurs, pourquoi fais-tu un truc pareil ? C’est du grand n’importe quoi. Mais… je crois que je préfère quand c’est comme ça que quand on me dit des choses méchantes. Ou que quand on veut me taper. Dis… Tu crois qu’un jour quelqu’un d’autre fera pareil ? Même si c’est juste pour prendre exemple sur toi, je m’en fiche. J’aimerais seulement pouvoir comprendre et… l’apprécier ? Tu crois que c’est possible ?

Mon regard suit ton doigt qui pointe en direction de ce que tu as posé avant que j’accepte que tu m’approches. N’était-ce pas des armes ? Je fronce les sourcils. Comprends-moi, je ne comprends pas tout, là. Je crois qu’il y a une épée dans le lot, mais est-ce que ça veut dire que tu te bats aussi avec un instrument de musique comme je le fais ? Ce n’est pas que pour le Yuan Qi ? Ah ! A moins qu’il ne m’ait caché qu’il l’utilise aussi, ce serait plus logique. Mais, dans ce cas… Non, ce n’est pas logique. Pourquoi le faire si on veut me faire arrêter. Cela n’a vraiment pas le moindre sens ! Quand je dis que tu es bizarre, en voilà la preuve : je ne comprends pas à quoi te sert ton… Guqin ? Je n’ai jamais entendu parler de ça, mais comme je ne connais pas grand-chose non plus, je ne peux que te croire. Pour le moment en tout cas. En plus, tu es tellement patient contrairement à tout le monde que j’aimerais vraiment croire que je peux me détendre. Tu es un peu comme mon maître quand il m’explique les choses, mais lui n’a pas peur au moins. J’ai appris qu’avoir peur ne sert à rien. Tu devrais apprendre de cette leçon, toi aussi. Ça pourrait peut-être te servir un jour.

J’ai accepté avec un seul signe de tête que tu ailles chercher ton guqin. Je n’ai pas arrêté de t’observer durant tout ce temps pour ne pas être pris par surprise. Après tout, il y a aussi ton arme là-bas. Tu pourrais en profiter. Vu ma faiblesse, tu pourrais facilement m’attraper. Pourquoi ne le fais-tu pas ? Pourquoi ne tentes-tu pas ta chance comme les personnes avec qui tu étais l’autre jour ? Et pourquoi vouloir me soigner ? Pas que je ne veuille pas ça. J’ai mal et je n’aime pas ça, alors si on peut m’aider pour que je n’ai plus mal, ce n’est pas de refus. Mais n’est-ce pas une occasion en or ? La gloire, la richesse, la vengeance… pour une de ces raisons, ne voudrais-tu vraiment pas m’avoir ?
Malgré mes pensées allant principalement sur ce sujet qui ne fait qu’alimenter une méfiance décroissante, je ne t’ai pas lâché des yeux et, maintenant, je te regarde sortir ton instrument de musique de ce tissu blanc qui l’entoure. Il est très beau. Vraiment très beau. J’ai l’impression qu’il est tout neuf. Tu dois vraiment en prendre soin. Cela me donne envie de le toucher, mais je n’ose pas initier un geste pour ça. Ce n’est pas à moi, alors je n’en ai pas le droit. Mieux vaut que je ne te mette pas en colère, n’est-ce pas ?

Voilà que tu commences à jouer sur un nouvel accord silencieux de ma part. Dès les premières notes, je la reconnais. Je l’ai écoutée une fois et, depuis, je m’entraîne régulièrement pour pouvoir la jouer le plus parfaitement possible. Pourtant, j’ai l’impression que le morceau de flûte était un peu différent de ce que j’entends. Ce n’est pas le même instrument… Cela a-t-il une incidence quelconque ? Oui, peut-être. Je ne m’y connais pas assez pour faire plus que des suppositions. Mais, ce qui est sûr, c’est que t’entendre jouer cette musique me détend énormément. Un peu comme si cela prouvait que, effectivement, tu ne m’as jamais menti. Je sais que penser de cette manière n’a aucune logique, mais je n’arrive pas à trouver de raison pour me méfier encore de toi. Au point que je me laisse simplement aller contre le mur, comme soudainement fatigué. Bien sûr, je n’arrête pas de te regarder, mais ce n’est plus comme avant. Vois-tu la différence ?

Tes yeux se posent sur les miens. Je remarque alors leur couleur azure. C’est très joli. Mais pourquoi me regardes-tu de cette manière ? Qu’attends-tu de moi ? Sur une suspicion que je viens d’avoir, je ferme les yeux en déclarant doucement :



Maintenant qu’il a joué une musique, que signifie ce “trois” dont il m’a parlé avant ? Est-ce qu’il va me l’expliquer ? Hein, vas-tu m’expliquer ce qu’est ce “trois”, maintenant ? Ou as-tu une autre idée en tête ? Je crois que je commence à m’en foutre totalement de ce que tu vas faire. Je veux dire… Que ce soit bien ou mal pour moi, je n’ai plus envie de chercher. J’en ai un marre de rester sur mes gardes ou d’essayer de comprendre à quoi tu penses alors que je n’y arrive pas.



Tu m’as joué Wanxian, mais y a-t-il d’autres musiques que tu connais et que tu aimes bien ? Est-ce que tu voudrais bien me les faire écouter ? Si tu ne veux pas, ce n’est pas grave. Je ne veux pas te forcer. Seulement, je me suis dis que ça pourrait être intéressant…

Date : 2 novembre de la 1ère année de l’ère Shjiànguó

J’aime beaucoup faire des mélodies avec les notes qui me paraissent aller ensemble selon mon humeur. Apprendre toujours de nouvelles mélodies, c’est bien, mais j’ai toujours peur d’oublier celle qu’il vient de jouer. Comment l’a-t-il appelée ? WangXian ? J’aime beaucoup la sonorité de ce nom, bien que je ne sois pas sûr de savoir ce qu’il signifie. Est-ce que, toi, tu le sais ? Mais avant ça, ne pourrais-tu pas me dire ce que veut dire ce “trois” dont tu m’as parlé juste avant ? J’aimerais au moins pouvoir comprendre quand la douleur va disparaître parce que je déteste cette sensation. Je déteste ressentir ça, comme c’était le cas avant. Quoique… N’était-ce pas pire avant ? J’ai l’impression que c’est la même chose, même si je sais que ce n’est pas le cas. Ou je préfère ne pas croire qu’elles sont différentes ? C’est tellement horrible d’avoir mal. Tellement horrible de sentir les douleurs rester tout le temps sans réussir à les faire partir. J’en ai quelques-unes qui reviennent parfois sans qu’il y ait la moindre marque à cet endroit. A chaque fois que je les ressens, d’ailleurs, ça me donne envie de retourner dans mon village pour les faire souffrir encore plus. J’ai été beaucoup trop doux avec ces ordures !

Je me demande à quoi ressemblent les musiques de ton clan. Je n’en ai jamais entendu parler jusqu’à maintenant, mais je peux te croire. Je doute que tu te promènes avec un instrument de musique si gros juste pour WangXian. Ce serait vraiment bizarre. Quoique… tu l’es tellement que je ne sais pas si ma première pensée est la bonne ou pas. Ne serait-il pas bien d’écouter ce que ça donne ? Puisque tu le proposes, pourquoi pas. Sans compter que tu m’avoues ne pas en connaître d'autres. Tu me demandes même pardon. Je n’aime pas ce mot. C’est un mot d’hypocrite, qui ne veut rien dire. C’est juste fait pour endormir la méfiance pour recommencer les mauvaises choses par la suite. Mais comme tu n’as rien fait de mal, est-ce que ça a un sens de vouloir m’apaiser ? Il doit y avoir quelque chose que je ne comprends pas. Un élément qui m’échappe. Ah… Peu importe… Fais ce que tu veux. Là, tout de suite, je n’ai juste pas envie de me battre ou de chercher une entourloupe dans tes faits et gestes. Je veux juste ne plus avoir mal. C’est tout.



Puisque tu me demandes mon avis, je vais te laisser faire. Est-ce que je te fais confiance ? Je ne sais pas. Je ne suis pas vraiment sûr de ce que ce mot signifie. Mais disons que j’essaie de ne pas voir un danger partout. Que j’essaie de faire comme je suis avec mon maître puisque, comme lui, tu ne fais rien pour me faire mal. Tu ne me mens pas non plus. Tu ne l’as jamais fait jusqu’à maintenant. Je le regretterais quand tu retourneras ta veste. Je te détesterai si tu le fais et, ce jour-là, tu ne pourras plus jamais m’approcher. Oui, je pense qu’à ce moment-là je ne prendrais plus de gants. Peut-être que je te réserverais le même sort qu’au village si jamais tu le fais. Et encore, n’était-ce pas trop doux ? N’était-ce pas la remarque que je me faisais plus tôt ? Alors que pourrais-je faire ? … J’y réfléchirai le moment venu. Tout de suite, je veux seulement écouter cette musique que tu me joues. Elle est plutôt jolie. Et je crois que j’ai envie de connaître plus de choses sur ce que tu as dit :



Tu n’as pas encore terminé de jouer la musique et je regarde tes doigts pincer les cordes de ton instrument. Ca me semble difficile à jouer, même si je parviens à décortiquer chaque son pour les reconnaître. Pourrais-je rejouer la mélodie plus tard ? Je ne sais pas… Je ne pourrais le savoir que si j’essaie de le faire. Mais pas maintenant puisque tu n’as pas fini. Et je veux connaître les réponses à mes questions aussi. Je me demande si tu peux parler en jouant puisque tu ne souffles pas pour faire des sons. Je dirais que oui, mais t’es si concentré sur ce que tu joues… Je crois que je vais devoir répéter mes questions, mais je n’en ai pas envie. Est-ce que tu veux bien que je n’ai pas à le faire ? Tu m’as écouté ? Ou même entendu ? Je n’aime pas ne pas savoir… J’ai l’impression que quand je ne sais pas quelque chose de mal va se passer. Ça fait peur… Et la peur ça fait mal dans la poitrine.

Date : 2 novembre de la 1ère année de l’ère Shjiànguó

Tu ne réponds pas tout de suite à mes questions bien que tu ne souffles pas dans ton instrument de musique pour en jouer. Donc j’imagine que tu dois te concentrer pour jouer ta mélodie. Je ne suis pas sûr que je pourrais la reproduire tant elle est technique. Pourtant, je pense que je pourrais essayer. C’est toujours amusant de tenter d’apprendre de nouvelles musiques. C’est comme lorsque j’ai appris la toute première, celle de mon héros. Alors, j’écoute avec attention pour mieux mémoriser ce que j’entends en regardant toujours tes doigts. C’est étrange de les voir bouger sur les cordes qui vibrent doucement après que tu les aies touchées. Je comprends rapidement que c’est ainsi que tu crées des sons. Mais comment fais-tu pour repérer les notes que tu cherches alors que tu n’as pas vraiment de repère ? Une flûte me semble bien plus simple à prendre en main.

Quand tu finis, je t’entends dire un autre mot avec “mélodie”. Je me rends compte que j’ai froncé un peu les sourcils, mais pas longtemps. Au pire, ce n’est pas comme si ces mots avaient une grande incidence. J’aimerais juste comprendre si ça a un lien avec le temps que prend le médicament que tu m’as donné pour faire effet. Tu m’avais dit que ça prend “trois” mélodies, mais le “trois” ne vient pas quand tu dis mélodies. Parce qu’il y en a avant ? Ah… Peu importe. Je me sens fatigué mais je te regarde toujours, même dans les yeux quand tu lèves la tête, pour poser à nouveau mes questions si tu me le demandes. Je n’en ai pas besoin. Rapidement, tu réponds à mes questions en commençant par me dire que le Yuan Qi est une énergie au même titre de ce que tu appelles le Qi, mais que les deux sont différentes puisque vous créez vous-même le deuxième. Pour quoi faire ? Le Yuan Qi est bien plus simple à utiliser, il n’y a pas à le créer.



Au moins on peut l’utiliser tout de suite à partir du moment où on comprend comment il marche, il permet de rendre plus fort et il me donne aussi beaucoup de courage. En créant cette énergie que tu utilises, je ne pense pas que je pourrais me protéger tout de suite. Ça m'a l’air de prendre beaucoup de temps. Je n’en ai pas. Comme lorsque je l’ai utilisé pour la première fois, je n’en ai pas. Si j’arrête pour faire autre chose, pour trouver une autre force, alors je serais toujours en danger. Pourtant, je n’ai rien fait de mal.

Mes yeux se sont fixés sur ton épée à l’autre bout de la pièce quand tu m’as dit que tu peux la faire bouger avec ton énergie. Je ne voudrais pas qu’elle se mette à bouger. Mais comme elle n’a jamais bougé depuis le début, est-ce que je peux croire que tu ne le feras pas contre moi ? Je doute encore un peu, mais j’en ai marre de la surveiller. Je veux faire autre chose… Doucement, prudemment, je baisse les yeux pour regarder la flûte que mon maître m’a offerte. J’ai envie de jouer, moi aussi, maintenant. Mais est-ce que tu vas croire que je vais t’attaquer si je le fais ? Si ça avait été quelqu’un d’autre, la réponse m’aurait parue évidente. Mais tu n’as rien en commun avec les autres. La preuve en est que tu es beaucoup trop bizarre pour ça. Dans ce cas, devrais-je te demander ? J’hésite avant de prendre mon courage à deux mains, les yeux sur toi :



Avec ton accord, je porte ma flûte à ma bouche en pensant qu’avec cet accord je pourrais très bien appeler quelques cadavres. Mais je ne vais pas le faire. Quelque chose me dit que ça ne sert à rien. Tu ne me fais rien. Ton épée ne bouge pas. Rien ne vient de dehors. Alors pourquoi attaquerais-je ? En plus de ça, j’ai besoin de toi pour guérir. Alors, tout ce que je fais, c’est jouer la seule mélodie que je maîtrise, celle que tu as joué avant celle avec laquelle tu aurais pu utiliser ton Qi. Doucement, tranquillement, sans précipitation ou émotion. Un simple jeu très calme. Cela fait longtemps que je n’ai pas joué comme ça. A moins que je ne l’ai jamais fait par le passé ? Je ne saurais pas trop dire… Quand je pense au passé, je me rappelle surtout des horreurs, alors je préfère ne pas chercher plus que ça. N’est-ce pas normal ?

C’est pensif que je termine ma mélodie, les yeux baissés sur mes jambes. Je les relèves pour te regarder. Qu’en as-tu pensé ? Et maintenant, est-ce que je peux croire que ça fait effet puisque je ne sens plus vraiment de douleur ? En fait, je me sens surtout extrêmement fatigué… Mais il est hors de question que je me laisse aller si facilement ! Je te fais confiance… jusqu’à un certain point.