Cela fait quelque temps que je n’ai plus de nouvelles du plus jeune conseiller de l’empereur. Je sais que je n’ai pas été tendre avec lui et je me demande si je ne devrais pas commencer à lui courir après pour parler avec lui comme me l’a conseillé mon frère. De plus… je ne peux m’empêcher de m’inquiéter concernant la folie qui ne cesse de s’immiscer dans ses faits et gestes. Sans parler de la couleur de ses yeux. Elle a toujours été particulière, mais est-ce normal qu’elle devienne ainsi ? Cela m’inquiète que cette personne, que j’estime être mienne, m’échappe et change de cette manière. Il me faut donc des informations d’urgence avant de prendre une décision concernant le futur. Après tout, si je dois courir après cet homme, je dois prendre le temps de savoir si je peux le faire en tant que membre de l’armée impériale ou non. … Dire que je suis en train de penser à dévier du but qui a guidé l’entièreté de ma vie. Je dois moi aussi être devenu totalement fou. Pourtant, l’idée de laisser cette personne dans la nature me tracasse bien plus que de quitter cet empereur qui n’a rien à envier au précédent.

Ainsi, je laisse mes pas me guider au sein de la capitale, profitant d’un tour de garde pour chercher un médecin ayant un peu de temps à m’accorder ou toute autre personne pouvant répondre à mes questions. Les rues sont bondées. Pourtant, j’ai l’impression d’avoir une place impressionnante pour marcher. Mon uniforme y est peut-être pour quelque chose puisqu’il est considéré comme grave d’arrêter les forces de l’empereur. On peut prendre cela comme un acte de rébellion. Je ne pensais pas que ce porc (petit surnom que je lui donne depuis que je l’ai rencontré) serait aussi peureux de se faire prendre sa place. Quoique, ce n’est pas totalement anormal non plus quand on sait comment il est monté sur le trône. Un véritable casse-tête.

Après un moment, je remarque une personne qui sort du lot. Il porte une tenue lisse mais surtout blanche et un bandeau sur la tête de la même couleur. Il est rare de trouver des personnes avec un style si particulier. En passant j’entends une vieille dame discuter avec lui, l’appelant Daozhang. Puisqu’aucun médecin ne s’est décarcassé pour moi, il me semble opportun de me tourner vers tout autre chose, quitte à faire chou blanc. J’attends donc qu’il ait terminé en regardant les derniers avis de recherche. La prime sur la tête de ce gamin utilisateur de Yuan Qi, que mon homme a prié de ramener en vie, a récemment augmenté après qu’un rapport effrayant été fait. Il devient de plus en plus dangereux et imprévisible. Tout comme lui… Est-ce que tout cela a un lien ? Seule une personne s’y connaissant sur le sujet pourrait m’en dire plus. Ainsi, c’est plus déterminé que la minute d’avant que j’appelle fermement, comme si j’appréhendais un voleur :



J’attends qu’il se tourne vers moi puisque je me suis placé dans son dos. Je constate alors la surprise et l’interrogation dans son regard après qu’il se soit respectueusement incliné devant moi. Heureusement, j’ai préparé mes mots avant.



Je l’amène alors vers une maison de thé et je nous installe un peu à l’écart des autres, sur une table vide à l’étage. Cela fait, je prends commande avec autorité et avec très peu de mots et laisse le silence s’installer, préférant commencer le sujet une fois que nous serions dans la possibilité de déguster une boisson chaude.

Ce gamin est très poli. Un peu comme s’il était toujours face à une personne importante. En un sens, il me fait beaucoup penser à mon frère, bien qu’ils soient tous les deux différents. Je n’arrive pas à mettre le doigt sur ce qui les rend si peu semblables, mais qu’importe. Puisqu’ils ont des similitudes, peut-être pourrais-je parler plus simplement avec cette personne qui attend que je prenne la parole. Quelque chose que j’apprécie grandement, surtout que je ne sais pas vraiment comment demander ce genre d’informations. Je ne sais même pas si c’est vraiment son domaine d’expertise. Je prends donc le temps de prendre ma tasse de thé et d’en boire une gorgée de thé pour chercher un peu plus mes mots. Finalement, seule une phrase me vient, même si beaucoup me dirait que ce n’en est pas une :



C’est ce que je veux savoir et les détails ne viendront que si j’en ai besoin par la suite. Il ne sert à rien de poser d’autres questions alors que je ne connais même pas l’origine de ce genre de phénomène. D’autant plus que, de ce qu’on m’a dit, cela n’a rien de médical. Si ce n’est pas une maladie ou une réaction physique, qu’est-ce que cela peut être ? Qui peut me répondre ? A moins qu’il ne soit trop jeune pour ça même si c’est dans son domaine d’expertise ? Si tel est le cas, que devrais-je faire ? Tenter de trouver un autre Daozhang ? Je n’ai pas le temps. Il est parti et qui sait où il se trouve à l’heure qu’il est. Qui sait même s’il va revenir. Et s’il le fait, je doute que l’empereur laisse passer une fois de plus cette absence impromptue. Cela pourrait même retomber sur moi, à terme. Après tout, il était de mon devoir de le surveiller.

A cause de toutes ces pensées qui ne cessent de me prendre la tête, mon regard est insistant alors que je fixe mon jeune interlocuteur. Je suis pressé. J’ai besoin de réponses. Maintenant.

Puisqu’il est jeune, j’ai pensé que je devrais me répéter ou attendre plus longtemps pour avoir une réponse. Ou même qu’il me demanderait des explications que je juge parfaitement inutiles. Mais force est de constater qu’il est assez intelligent pour ne pas me faire perdre mon temps et courageux pour me regarder dans les yeux sans montrer de crainte. Dans une certaine mesure, il est très intéressant comme garçon. Mais de manière bien différente de ce que je peux voir en cette personne qui occupe actuellement toutes mes pensées. Cette personne pour qui je me renseigne avant de prendre la plus grande décision de ma vie. Même savoir comment le retenir le jour de notre première rencontre, même quand il était entouré d’une aura meurtrière, ne me donnait pas cette sensation d’urgence. En comparaison, les batailles que j’ai menées sont des promenades de santé. Je ne suis même pas sûr de comprendre pourquoi je réagis ainsi. Mais les faits sont là.

Attentif, je note mentalement chaque information qui m’est donnée. Des informations qui concordent avec ce que je sais de lui, notamment concernant le Yuan Qi, bien que je ne sois pas dans la capacité de comprendre de quoi il s’agit, puisque j’en ai vaguement entendu parler au sein du palais, et les malédictions. Mais est-ce tout ce qu’il est capable de me dire ? Délaissant ma tasse de thé, je hausse un sourcil dans l’attente d’une suite. Je souhaite notamment une définition de ce qu’est cette… énergie. Et aussi comment ramener une personne à son état normal. Mais j’ai comme l’impression que mes questions silencieuses ont des difficultés à faire leur chemin vers mon interlocuteur. N’est-il finalement pas si capable ? Vais-je devoir expliciter l’évidence ? Je déteste devoir ouvrir la bouche quand je n’en ai pas l’utilité. Toutefois, je tente de me calmer en pensant au fait que cet enfant n’est certainement pas un soldat, et encore moins entraîné avec moi. Je ne peux donc pas le traiter comme tel. C’est du moins ce que je pourrais entendre de la bouche de certaines personnes que je voudrais vraiment pouvoir fusiller du regard juste une seconde pour calmer la tempête qui naît au sein de mon esprit.

Finalement, il semble que je me sois trompé. Qui sait, peut-être cherchait-il seulement ses mots ? Je ne peux pas lui en vouloir, quoi que j’en dise. Peu importe. Seul le fait que j’obtienne mes réponses est important, ainsi que la réponse en elle-même. Elle me permet d’ailleurs de comprendre le récent comportement de l’homme que j’ai attendu, la sensation que j’avais de le sentir m’échapper alors que je ne faisais que l’emprisonner plus dans mes étreintes. Je frotte doucement le moignon de mon doigt de manière distraite sans quitter le Daozhang du regard. Il me manque des informations importantes avant de pouvoir prendre une décision. Parce que même si je veux aller le chercher, le rejoindre où qu’il soit, je veux avant tout savoir à quel point je peux lui être utile. Ce que je peux faire pour le guérir de cette folie de manière concrète. Mais puisque le jeune ne semble pas y penser lui-même, c’est à moi de demander. De quelle manière ? Pensif, je bois une gorgée de thé pour essayer de trouver mes mots. Une question simple que je formule en reposant ma tasse d’une voix toujours ferme :



Je n’en connais pas vraiment la raison, mais j’ai l’impression d’entendre mon petit frère et d’autres hommes de mon unité me reprocher de poser des questions qui n’en sont pas. Quelle plaie ! Ils m’empêchent de me concentrer comme je le veux et ça m’énerve. Je fronce les sourcils comme pour faire peur à ces souvenirs inutiles, les yeux fermés, avant de regarder à nouveau mon jeune interlocuteur. Lui aussi avait les sourcils froncés. Peut-être est-il mécontent de savoir qu’il y a un homme dangereux dans la nature ? Au vu des avis de recherche placardés partout, il n’est pas le seul, donc je doute que ce soit la raison. Puis, est-ce vraiment ce qu’il ressent ? Non… Quelque chose me dit que ce n’est pas le cas. Alors, à quoi peut-il penser ?

Le temps que prend mon interlocuteur avant de parler ne me dérange pas. Au contraire, même si j’apprécie avoir mes réponses rapidement, je ne suis pas contre le fait qu’on préfère se montrer juste à la place. Et aujourd’hui plus qu’habituellement puisque sa vie en dépend, au même titre que mon avenir. Sans compter que s’il y réfléchit c’est qu’il est plus que probable qu’il puisse être sauvé. Je veux y croire. Il le faut ! Et s’il n’existe aucun moyen ? J’ai mon avis sur la question, bien qu’elle ne me plaise pas vraiment. Disons que c’est le dernier recours.

J’avais raison. Il existe bel et bien un moyen, bien qu’il ne soit pas infaillible. Un peu comme un médicament, me semble-t-il. Qu’à cela ne tienne, c’est déjà une bonne nouvelle en soi. Je peux toujours espérer qu’il est encore possible de le sauver. Je ne me découragerais pas juste parce qu’il y une possibilité pour qu’il soit trop “imprégné”. Par contre, je me demande qui peut purifier. Tous les Daozhang ou seulement une partie d’entre eux ? Encore une fois, c’est une information qu’il me faut absolument avant de parvenir à une conclusion. Je ne peux pas partir et le trouver sans savoir où l’amener par la suite. Je continue donc de le fixer en attendant qu’il me le dise, persuadé qu’il est capable de comprendre ce que j’attends de lui. Lui aussi me regarde comme s’il cherchait quelque chose venant de moi. Je ne vois pas ce que je pourrais lui dire et ma question est assez évidente pour que tout le monde sache ce que je veux. Je bois donc une gorgée de thé avant de le regarder à nouveau, insistant.

Je n’ai définitivement pas besoin de parler pour me faire comprendre. Il comprend l’évidence et répond à mes questions sans que j’ai besoin de les poser. Parler avec cette personne est très plaisant. Donc, j’apprends que son clan est comme spécialisé dans le domaine de la purification, donc c’est vers eux que je devrais me tourner. Je fronce doucement les sourcils. Je ne me suis jamais intéressé au monde de la cultivation, ni aux clans qui les composent. Je suis de ce fait incapable de déduire d’où vient ce jeune. Je compte donc lui demander quand il me coupe l’herbe sous le pied avec sa question. Je n’ai rien contre la curiosité en général, bien que je n’y réponde pas toujours. Et, cette fois, je suis partagé. Je ne veux pas donner d’informations sur mon… ami ? Mais je ne peux définitivement pas le laisser dans l’ignorance la plus totale alors qu’il peut me venir en aide. Je pèse donc rapidement le pour et le contre avant de réfléchir à mes mots en buvant une autre gorgée de thé.



Je le regarde un instant, essayant de reprendre le fil de la conversation que je souhaite continuer avant de demander comme je l’ai fait pour le remède :



Je veux à la fois son nom et sa localisation. Avec ceci, je pourrais finalement déposer les armes pour retrouver ce fugueur et l’y amener par la peau des fesses s’il le faut. Et si jamais même les professionnels dans le domaine me disent qu’il n’y a rien à faire…

Encore une fois, j’obtiens mes réponses. Je suis vraiment tombé sur une personne qui vaut la peine que je fasse l’effort de parler avec une autre personne. Après tout, même en essayant d’imaginer la conversation avant de venir à lui, je n’arrivais vraiment pas à trouver les mots pour faire savoir mon problème et les informations dont j’ai besoin pour y remédier. Heureusement qu’il semble connaître les informations que je demande et que, dans le doute ou non, il me donne tout ce que j’ai à savoir à ce propos. La conversation se déroule plutôt bien de mon point de vue. Le seul bémol est sa curiosité concernant l’homme que je veux absolument retrouver. Le mien. Cela ne m’empêchera pas d’aller trouver son clan à Gusu pour demander de l’aide pour le purifier. Parce qu’il va en avoir besoin vu le nombre de fois que je l’ai vu avec les yeux aussi rouges que le sang. Le chemin va-t-il être long ? Combien de temps vais-je mettre avant de lui mettre la main dessus ? Comment vais-je faire pour retrouver sa trace alors que cela fait un moment qu’il n’est pas revenu à la capitale ? Il va me falloir être très méthodique.

Cette curiosité encore… Je lève les yeux sur toi, jeune homme. Je ne t’ai pas oublié, peu importe le temps que je suis resté dans mes pensées. Mais je doute pouvoir me permettre de te parler plus amplement de cette personne qui se trouve au centre de notre conversation. Le secret se doit de le rester combien même il sera bientôt fiché comme tête mise à prix. Mais tu as raison, je souhaite le protéger plus que tout. Cela m’est difficile de te l’avouer, même si je hoche doucement la tête en fermant les yeux. Tu ne dois certainement pas comprendre cet attachement qui me lie à lui. Personne ne le peut, je pense, sinon je n’aurais pas eu à me cacher durant tout ce temps alors que j’essayais de l’attacher à moi pour l’éternité. Je me demande si tu as déjà ressenti une telle émotion, une qui te pousse à outrepasser tout ce qui t’a été appris pour suivre tes seules envies. Mais je ne te poserais certainement pas une telle question. Cela ne me regarde pas et ce serait nous détourner de la raison qui m’a poussé à te parler. D’ailleurs, pouvons-nous y retourner ? Ma décision est presque prise.

Je profite du silence et que ma réponse ait été donnée pour terminer ma tasse de thé. Je ne pensais pas avoir une forme de remontrance. J’ai l’impression que les paroles exprimées pourraient être dites par Hui, mais elles sont beaucoup moins précautionneuses et bien plus directes. Il a du cran, ce garçon. Je crois que je pourrais l’apprécier, un peu comme cette personne avec laquelle j’ai longtemps partagé un accord et qu’on disait être mon héritier. Mais je doute que nous pourrons nous revoir si facilement. La Chine est grande et qui sait si je pourrais arriver à Gusu avant que cet homme qui est mien ne m’oblige à mettre fin à notre histoire pour toujours. Quoi qu’il en soit, je ne peux faire autrement que lui prêter cette oreille attentive que je n’ai jamais rangé. Et ce que j’entends, ce que j’écoute, m’amène à soupirer discrètement. Que devrais-je dire maintenant ? Je ne peux pas dévoiler toutes les informations que je connais. Et même si je venais à lui parler de quelques détails, que pourrait-il faire ? Ah… Peut-être qu’en le décrivant nous pourrions trouver un accord ? Sans parler de son lien brisé avec l’empereur. Mais même si je fais ça, pourra-t-il vraiment m’aider ? Comment pourrais-je savoir s’il l’a trouvé ou aidé derrière mon dos ? Hein, jeune homme, comment comptes-tu t’y prendre si tu le trouves ? Comment me le feras-tu savoir ?



Je te regarde avec cette même concentration que je montre quand je suis sur un dossier compliqué donné par l’empereur. Et ma voix porte également toute la lourdeur de cette concentration qui me pèse. Même si j’ai l’idée de te décrire cet homme et, peut-être, te donner le nom qu’il m’a donné, je préfère te donner tout ce dont tu as besoin en une seule fois. Parler, comme tu l’auras constaté, n’est clairement pas mon fort. Alors te donner les détails au compte-gouttes ne fera que m’énerver et tu ne mérites pas que je m’en prenne à toi. Pas que je veux le faire. Jeune homme, cela t’est-il déjà arrivé de t’en prendre à la personne juste devant toi à cause du manque de contrôle sur tes émotions sur le moment ? Cela m’est déjà arrivé quelques fois et, à chaque fois, cet homme dont nous parlons était au centre du problème. C’est pour cela que je reste prudent, outre le fait qu’il soit un ancien proche de l’empereur et qu’il détient des secrets qui pourraient intéresser un grand nombre de personnes pour détrôner ce noble pour qui je travaille depuis si longtemps. Rien que de penser à tout ce que j’ai fait depuis tout ce temps me fatigue comme si je n’avais jamais pris de pause.

Alors, jeune homme, que vas-tu me demander pour accepter de m’offrir ton aide, toi qui vient d’un de ces clans qui se trouvent hors de toute politique ? Dont on n’entend parler que pour des histoires folkloriques ? Histoires auxquelles je n’aurais jamais pu croire si je n’avais pas vu cet homme qui est le mien à l'œuvre. Et si je n’avais pas vu un de ces clans se débattre également. Je pense que, dans un sens, toi comme moi avons de la chance que j’ai vécu de telles aventures avant que tout ceci ne se produise, sans quoi notre conversation aurait été bien plus difficile qu’elle ne l’est déjà. Cela n’aurait été plaisant pour personne. Contrairement à ce qu’on peut croire, je n’aime pas avoir autant de difficultés pour m’exprimer. Je ne le fais pas exprès non plus. Un de mes plus proches subordonnés m’a demandé de lui apprendre à être comme je le suis, mais je crois que, maintenant, il doit avoir compris que ce n’est pas un effort que je fais. A moins qu’il ne soit assez stupide pour le croire. Et toi, jeune homme appartenant à un clan, l’es-tu ?

Il faut croire que ma question n’était pas attendue. Qu’importe. Ce n’est ni inhabituel, ni ce que j’attends de ta part. Et tu sembles assez intelligent pour le comprendre rapidement. Ainsi, comme je le craignais, tu n’as pas seulement besoin de son apparence, mais de son nom aussi. Mais est-ce sa véritable identité que j’ai en ma possession ? Il est si frivole, si enfantin, et si secret, que moi-même suis dans l’incapacité de trouver une piste menant à son passé. Malgré toutes les recherches effectuées, je n’ai rien trouvé. Et lui poser des questions ne m’a pas semblé opportun puisque je n’ai aucun moyen de savoir s’il me dit la vérité ou s’il se cachera encore derrière des faux semblants. Alors, ne m’en veut pas s’il ne te répond pas quand tu l’appelleras. Devrais-je te prévenir tout de même ? Cela ne me coûte rien et ce n’est pas comme si je pourrais te le cacher non plus indéfiniment. Si tu fais un tant soit peu attention aux avis de recherche, tu finiras par le connaître, surtout si je réponds à ton interrogation.
Mon court moment de réflexion se fait dans le silence. Je pense donc que c’est tout ce dont tu as besoin. Pourtant, tu m’empêche de te répondre en me demandant également mon identité. Tu as raison, ce serait plus simple pour nous contacter. Mais, tu as tort sur un point : je ne resterais pas dans la garde impériale, et encore moins dans la capitale. Je ne vais certainement pas rester là alors que mon trésor est parti loin de moi. Il ne manquerait plus que quelqu’un s’en empare… Il va falloir que je vérifie ça une fois que je lui aurais mis la main dessus ! Quoi qu'il en soit, l’heure est aux réponses que je te dois.



Je doute que tu aies besoin de style vestimentaire puisqu’il pourrait très bien en changer. Il est déjà si différent de ce qu’on peut voir dans notre pays, alors j’imagine qu’il te sera très facile de le reconnaître. Ah, j’ai oublié de te dire que ce nom de courtoisie n’est peut-être pas vrai. Peu importe. Son apparence t’aidera de toute manière et puisque c’est ainsi que nous l’appelons au palais, j’imagine qu’il pourra toujours y répondre. Dans ce cas, la dernière information que je dois te donner…



Ai-je besoin de te donner les raisons de cette décision qui est la mienne ? Et même si ce n’était pas pour celles-ci, cela ne changerait probablement pas grand-chose. Qui sait ce que l’empereur pourrait me demander de faire, que ce soit pour me punir de ma piètre surveillance ou pour simplement asseoir son pouvoir. Même sans cela, je ne peux pas laisser mon trésor dans la nature plus longtemps. Ne t’en fais pas jeune homme, nous le trouverons et je ne partirais pas sans avoir trouvé un moyen. Ah…



Je n’aurais qu’à prendre des dispositions pour cela. Il est la seule personne dans l’armée en qui j’ai confiance et dont j’ai la loyauté. Dans tous les cas, je ne compte pas m’enfuir comme un voleur. Je vais simplement prendre ma retraite. Je serais un paria aux yeux de ma famille, mais qu’importe. Je l’étais déjà bien avant aujourd’hui.

Ai-je dit quelque chose d’étrange ? Ou remué quelques souvenirs ? Nous ne nous connaissons pas assez pour que je puisse deviner ce à quoi tu peux penser, jeune homme, surtout dans ce cas de figure. Cela pourrait être pour me poser quelques questions supplémentaires ou pour trouver une raison pour que cette description atypique puisse être vraie. Mais il est hors de question que je te reproche cette réaction qui est la tienne. Elle n’a rien de malpoli et je ne suis sans doute pas mieux. On me l’a souvent reproché, quand j’y pense. Peu importe. Je ne changerais pas alors que ça marche la plupart du temps. Je n’en ai ni le temps, et encore moins l’envie. Alors, il ne me reste plus qu’à compter sur le peu de patience qu’il me reste en te faisant part d’un moyen de me contacter si jamais tu trouves mon trésor avant moi. Je ne voudrais pas que nous nous croisions sans nous voir dans ces conditions. Surtout si, comme tu me l’as dit, il devient de plus en plus dangereux. Je ne suis pas inconscient au point de laisser un enfant, qu’il soit presque un homme ou non, se mesurer à lui sans m’assurer qu’il puisse s’en sortir. Je ne souhaite pas non plus qu’on me rapporte son cadavre. Si quelqu’un doit le tuer, alors ce serait moi. Je ne laisserais personne d’autre me l’enlever !

Je t’entends m’appeler et mon regard se pose de nouveau sur toi. Au fil de ma courte réflexion, il s’était perdu dans la contemplation de notre table. Cela ne me ressemble pas d’être si inattentif. Mais je suis désormais à toi. Qu’as-tu à me dire ? Je fronce légèrement les sourcils et porte à mon tour mon pouce et mon index à mon menton en signe de réflexion. A quoi est-ce que je m’attendais ? A ce qu’il me donne son véritable nom alors que j’ai refusé de lui donner celui qui m’a été offert à la naissance avant qu’il ne maudisse ma famille ? Cela n’aurait été que faire preuve de naïveté, fort peu digne de ma position. Pourtant, une part de moi que je ne veux pas admettre voudrait qu’il l’ait fait. Pourtant, cela ne m’empêche pas de noter celui que tu me donnes, jeune homme : Wúmíng. C’est une bonne réflexion que tu t’es faite et je suis plutôt content de ne pas être directement parti après t’avoir donné mes informations. La précipitation n’a jamais été une bonne chose.
Par contre, il me déplaît vraiment d’apprendre que sa tête n’est pas mise à prix seulement par l’empereur. Je dois absolument le trouver avant quiconque ! Je dois mettre la main sur mon trésor avant tout le monde ! Ou que tu le fasses puisque tu sembles accepter de lui donner une chance. Et encore, je ne suis pas prêt à parier sur ta parole. Pas totalement. Un manque de confiance ? Peut-être. J’ai tellement douté de tout durant toutes ces années que je ne peux pas m’empêcher de le faire encore maintenant. Dire que je ne réfléchis à un avenir, et ce que je veux réellement, que maintenant… Est-il trop tard ?

Un soupir passe mes lèvres qui s’étirent en un sourire sans joie. Alors comme ça ses prouesses concernant ce clan sont parvenues à d’autres ? Cela ne devrait pas être si étonnant puisqu’il y a eu quelques survivants. Pourtant, j’aurais préféré qu’on ne lui rejette pas la faute d’avoir obéit à des ordres. Autant profiter de cette occasion pour rétablir une partie de son honneur ou, à défaut, la vérité :



Tes conseils ne sont pas tombés dans l’oreille d’un sourd. Autant te le faire savoir avant toute chose sans quoi cette entente fragile qu’il y a entre nous et qui nous amène à notre accord pourrait se briser. Heureusement que j’y ai pensé. Il en va de la survie de mon trésor.



Cette phrase devrait être suffisante pour que tu comprennes puisque tu es un garçon intelligent. Surtout si tu comprends qu’on ne défie pas l’empereur sans conséquence. Qui ne le sait pas ? Et puisque je n’ai pas fait grand-chose là-bas, il me semble inopportun d’ajouter que j’étais également sur les lieux. Après tout, je ne faisais que veiller à ce que le travail soit fait correctement. Alors, puis-je savoir pourquoi ton expression inquiète, peut-être concentrée sur notre conversation, s’est-elle muée en celle d’un garçon choqué ? Oh… C’est vrai que j’ai tu le fait qu’il était aux ordres de l’empereur jusqu’à présent. Est-ce réellement important ? Cela ne nous aidera pas à le retrouver puisqu’il n’était pas connu hors du palais impérial. N’était-il pas méprisé à l’intérieur ? Il me semble, bien que cela ne l’ait vraisemblablement pas dérangé.